HENOSOPHIA le monde spirituel

Et maintenant, homme de rien, fuis un moment tes occupations, cache-toi un peu de tes pensées tumultueuses. Rejette maintenant tes pesants soucis, et remets à plus tard tes tensions laborieuses. Vaque quelque peu à Dieu, et repose-toi quelque peu en Lui. Entre dans la cellule de ton âme, exclus tout hormis Dieu et ce qui t’aide à le chercher ; porte fermée, cherche-le

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BLUE VELVET

Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçon

Je serai d’emblée brutal :

C’est parce que la science moderne existe (depuis le 17 ème siècle européen) que le nazisme a été rendu possible, et donc que mes grands-parents (les parents de ma mère) ont été assassinés par les nazis, assassinés parce que juifs.

Or moi qui parle ici, j’ai travaillé toute ma vie dans le domaine scientifique : j’ai donc collaboré avec le nazisme, d’une certaine façon, et ce n’est que parce que ma contribution  a été, disons, médiocre, que j’ai faiblement collaboré : je suis un SS sans beaucoup de conscience professionnelle…

Il y a donc radicalisation dans l’évolution de ce blog dont je parlais l’autre jour… j’abordais déjà il y a quelques années cette question épineuse de la « lumière fossile de la Shoah », dans laquelle s’origine la violence dont notre époque est empreinte, à l’occasion de mon commentaire à propos du film « La question humaine » :

http://www.blogg.org/blog-64760-billet-la_question_humaine__ou_la_lumiere_fossile_de_la_shoah-664822.html

Cette radicalisation, qui peut paraître à certains scandaleuse  (pour dire le moins) est elle une complète contradiction avec mes positions prises il y a peu de temps encore sur l’ancien blog ?

http://mathesis.blogg.org

Je réponds clairement et sincèrement : non !

Il y a seulement recherche de cohérence maximale : il s’agit simplement de tirer les conséquences, sans se cacher la tête dans le sable (ce que j’ai fait jusqu’ici).

et je vais ici m’en expliquer sommairement  en illustrant mon propos à l’aide du merveilleux film de David Lynch : « Blue velvet« , que j’ai revu hier soir…

Je me posais au début de mon activité « blogueuse » la question :

pourquoi, alors que l’émergence de la science moderne, marquant une christianisation radicale de l’intelligence dans ses derniers coins et recoins, montre clairement la supériorité de la civilisation occidentale (européenne), élaborée à partir de l’héritage grec ET judeo-chrétien, sur sa « concurrente » plus ancienne mais encore vivante (ô combien !) la civilisation chinoise (ainsi que les autres civilisations orientales), pourquoi l’Occident s’enfonce t’il ainsi dans un « déclin » qui prend les allures d’ une chute dans l’abîme ? entrainant dans son naufrage toute l’humanité d’ailleurs…

A cela je répondais : c’est parce que dès le 18 ème siècle la science s’est complètement séparée de la philosophie (de laquelle elle est issue) ; la science est devenue pure techno-science, renonçant à ce qui chez les philosophes-savants du 17 ème siècle était essentiel : la poursuite de la sagesse par la recherche de la Vérité.

Je ne change pas une ligne à ce « diagnostic » : je renonce simplement à mon projet de chercher (dans l’évolution intellectuelle de la fin du 17 ème siècle, de cette période que Paul Hasard décrivait comme celle de la « crise de la conscience européenne« ) « pourquoi la science s’est ainsi séparée de la recherche de la sagesse », car c’est à mes yeux évident :

c’est parce qu’il est très difficile à l’humanité (même si cela répond à son « essence ») de se séparer complètement de la « Nature » pour s’unir complètement à l’Esprit.

De parcourir l’itinéraire de l’âme vers Dieu…

Comme le disait Brunschvicg : « nous pouvons douter de notre rapport à l’Esprit, mais pas de l’Esprit lui même »…

Ce qui s’est passé, au 18 ème siècle européen et après, c’est que l’humanité (européenne) a renoncé, par impuissance, à transcender la Nature pour s’unir à l’Esprit, et a pris le chemin inverse : se vouant,  jusqu’à s’en rendre peu à peu esclave, aux nouveaux et fantastiques « pouvoirs » que lui donnait la science… des pouvoirs bien supérieurs, et surtout bien plus « réels », que ceux de l’antique « magie »…

pour arriver à aujourd’hui, en passant par le 20 ème siècle, le siècle des exterminations de masse…

Le film de Lynch, « Blue velvet », semble à 1000 lieues  ? non, il parle de cela, à savoir de la confrontation de notre époque avec le Mal radical et sa « folie »…

l’oreille coupée dans l’herbe, au début du film,  symbolise, comme je l’ai déjà dit ailleurs, la rupture avec l’écoute, avec l’ouïe spirituelle, c’est à dire avec le judaïsme , et donc avec le christianisme (même si les USA peuvent paraître comme une société très « religieuse »…ne nous fions pas aux apparences).

Car la base du judaïsme, c’est le « Shma' » : « Ecoute Israel, le Seigneur est notre dieu, le Seigneur est UN »

« Shma’ Yitsrael, Adonai eloheinou, Adonai Ehad »

En même temps cette rupture est déjà « contenue » dans le nom « Israel », qui veut dire : « celui qui lutte avec Dieu » (c’est le Nom donné à Jacob après sa lutte avec l’ange).

Celui qui « écoute Dieu » c’est  étymologiquement Ismael , l’ancêtre des musulmans… mais devinez : il semble que D-ieu préfère celui qui combat contre lui à celui qui écoute fidèlement, et là résiderait le secret de la haine jalouse vouée aux juifs par les musulmans, et pourtant tout cela est bien naturel … comme dit  l’Evangile selon Thomas : un berger avait 100 brebis, il en perdit une, il la chercha par monts et par vaux et quand il l’eut trouvée il lui dit : « Je te veux plus que les 99« .

D-ieu préfère des hommes libres à des esclaves dociles qui ne se posent aucune question et se contentent d’obéir…

ou encore : l’Esprit est préférable à la lettre, et cela joue contre l’Islam et d’ailleurs un certain judaïsme, en faveur du christianisme (paulinien)… remarquons d’ailleurs que toute la philosophie de Brunschvicg, qui a si fort influencé mes blogs, pourrait se résumer en cette formule !

L’ouïe est le plus « dionysiaque » des sens, celui qui approche le plus la « Volonté pure », d’après Schopenhauer…

l’autre sens important est celui de la vue, qui est par contraste le sens apollinien, sens de l’apparence et de l’extériorité, et non de la « Volonté pure ».

Il est lié à la civilisation créatrice de la science et de la philosophie : la civilisation grecque.

ainsi, en grec, le mot qui a donné « théorie » veut dire : contempler (« θεωρειν » ). Or la science moderne se caractérise par sa capacité à élaborer des « théories » sur le réel, par opposition à la « science » chinoise qui en reste au rang des pures techniques…

le « héros » de « Blue Velvet », Jeffrey Beaumont, qui trouve l’oreille tranchée dans l’herbe, est confronté à une histoire atroce de violences, de meurtres et de ténèbres : il acquiert peu à peu des « savoirs » sur cette affresue réalité, mais, comme il le dit, de façon « illégale », en s’introduisant par fraude dans l’appartement de la jeune femme martyrisée et violée,(jouée par Isabella Rossellini) soumise au chantage du gangster psychopathe (joué par Dennis Hopper) qui a enlevé son enfant…

http://fr.wikipedia.org/wiki/Blue_Velvet

en somme, Jeffrey est « tiraillé » entre les deux conceptions de la « vérité » qui fondent l’Occident : la vérité par l’enquête rationnelle (policière, dans le scénario du film), qui doit démontrer et prouver ce qu’elle affirme, et la vérité trouvée dans l’intuition , grâce à l’audition, à l’ouïe spirituelle…

mais ce second mode d’accès à la vérité est en quelque sorte « illégal », ce qui traduit la rupture avec le judaîsme, symbolisée par l’oreille tranchée..

Que se passe t’il quand l’accès à l’écoute du divin est supprimé, quand seul reste l’accès à la vérité (à Dieu, donc) par la théorie , par la démonstration rationnelle ?

Ce qui se produit, c’est notre époque, nous : l’époque du Mal radical, de la perversité et de la violence brutale, de la femme (Isabella Rossellini) violée et contrainte, dans une sexualité infantile et pornographique, sans amour, celle du psychopathe Frank Booth (Dennis Hopper) , qui oscille entre le rôle du « péère brutal et violeur » et de l’enfant qui insulte la Femme-Mère  qu’il maltraite et qu’il viole…

Et le merveilleux songe d’amour des « mille rouge -gorge » raconté par Sandy à Jeffrey, ce n’est rien d’autre que le prophétisme juif, celui d’Isaïe ou d’Ezechiel, annonçant les « Temps » messianiques…

On voit que ce film est très proche de ce dont je parlais au début…et il n’y a guère de quoi s’en étonner : au fond, l’Occident , même l’Occident actuel finissant, ne peut parler d’autre chose que de lui même et de ce qui le fonde, lui et sa quête obstinée de vérité et d’intelligibilité..

Influencé  par Léon Brunschvicg, je voyais depuis toujours dans l’émergence de la science moderne l’irruption du « Dieu des philosophes » dans la conscience humaine : je n’ai pas changé d’avis, mais simplement mieux « compris » le sens profond de ce constat…

Car Dieu, le Dieu des philosophes (grecs) comme celui du christianisme (et du judaïsme),  le Dieu de l’intelligence « théorique » fondant la science rationnelle et démonstrative comme le Dieu à la fois immanent et transcendant de l’écoute intérieure consciente, et donc de l’éthique, Dieu ne « sort pas » des théories scientifiques comme un théorème résulte d’une démonstration : il se situe  à leur source comme leur condition de possibilité.

Et quand la science renonce à son essence « éthique » (présente chez Descartes et Malebranche) pour devenir pure technique , même et surtout dans la promesse (démente) de maîtriser la Nature, elle s’asservit en fait à cette dernière, et se « naturalise » : c’est, et c’était aussi le diagnostic de Husserl dans la Krisis, ce qui se produit au 18 ème siècle et après, quand la science se sépare de la philosophie et de sa quête de sagesse, pour devenir la techno-science…